A demain, pour du bon pain !

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En moyenne, un individu en Suisse consomme environ 140 grammes de pain par jour. Mais en connait-il l’origine des produits, les ingrédients et les producteurs ?

De nos jours, les artisans boulangers-confiseurs doivent affronter des problèmes de taille, ont de la peine à faire face aux changements d’habitudes et aux nouveaux concurrents dans le domaine. Cet article va lever le voile sur des difficultés qu’ont les petits producteurs et artisans, principalement dans le domaine de la boulangerie et de la confiserie.

Le pain de nos grands-parents et de nos parents:

1929 :

Journal de L’Impartial, La Chaux-de-Fonds, 1929, ‘La Boulangerie en Suisse’: « Parmi les branches rattachées à l’artisanat et jouant un rôle essentiel dans le domaine de l’alimentation, la boulangerie occupe une des premières places : le pain a toujours été sur toutes les tables. »

« Si les ‘fabriques de pain’ sont plutôt rares en Suisse, (…) le nombre des petites entreprises est très élevé; on compte au total 6000 boulangeries occupant en moyenne deux ouvriers; une seule entreprise a plus de 50 ouvriers et 25 en occupent plus de 10. Ces quelques indications montrent que la boulangerie a gardé, dans notre pays, le caractère d’une occupation de l’artisan. » (Journal de L’Impartial, ‘La Boulangerie en Suisse’)

1960 :

Loin de nous l’époque des fours à bois au centre du village, et pourtant, cela ne fait pas si longtemps que l’art de cuire le pain était un évènement dans la vie d’un village ! Entre savoir-faire, patois Valaisan et transfert de connaissance, cette vidéo des archives de la RTS vous permettra de redécouvrir le charme incroyable de la cuisson du pain dans un four à bois au centre du Verbier de 1960.

1990 :

C’est tôt le matin que le boulanger, vêtu de blanc, allume sa radio dans le laboratoire de sa boulangerie. Tout le monde dort, sauf lui, qui commence à pétrir sa pâte, faire son levain, abaisser la pâte feuilletée etc.

Cet artisan-là existe-il encore ou est-il en voie de disparition ?

L’article du journal Le Temps, écrit par Ghislaine Bloch, explique qu’au début des années huitante, on trouvait encore 4600 artisans-boulangers en Suisse, contre environ 1500 actuellement et 6000 en 1929. En trente ans, deux-tiers d’entre eux ont disparu.

La boulangerie d’aujourd’hui :

En 2019, la vie d’un boulanger n’est pas de tout repos et les affaires sont de plus en plus difficiles. Voici les problèmes majeurs:

a) Les échoppes disparaissent.

Un établissement par semaine met la clef sous la porte en Suisse, selon la branche, pour un total de 75 échoppes en moyenne par année qui font faillite.

b) Trouver des apprentis devient très difficile.

En effet, entre 2013 et 2018, le nombre d’apprentis dans la branche est passé de 4000 à 2900.

c) La pression sur les coûts est énorme.

Les coûts: salaires, frais de vente, coût de la farine, frais d’exploitation, énergie, frais administratifs, etc. L’installation d’un laboratoire de production est une autre source de dépenses :  «Ce qui coûte cher, c’est la mise en conformité. Il existe de nombreuses normes à respecter, pas uniquement la norme HACCP. Au final, cela revient entre 1000 et 1500 francs le mètre carré, sans les équipements», témoigne Roger Moses, de Prestiges Gourmands, dans l’article « La guerre du pain » dans le revue Bilan.

d) Les habitudes d’achats changent

Trois pains sur quatre sont achetés en supermarché. De plus, les boulangers augmentent leur offre de produits à manger sur le pouce ou « à l’emporter », ce qu’on appelle le snacking, ainsi que des cafés à l’emporter, qui s’avèrent être plutôt rentables. «Le chiffre d’affaires café a augmenté de 20% en six ans. Sans doute parce que tous nos responsables de magasin ont suivi une formation spécifique de barista. C’était indispensable pour s’adapter au changement de paradigme de la boulangerie», analyse Gilles Desplanches dans Bilan. Cependant, il faut pouvoir se permettre de financer les formations de barista ou avoir la capacité d’investir dans une bonne machine à café, qui avoisine rapidement les milliers de francs.)

e) Traitement de faveur envers les produits transformés

Le prix des produits finis et importés est considérablement moins cher qu’un pain façonné en Suisse. En 2000, 4000 tonnes de produits de boulangerie (précuits et surgelés) étaient importés en Suisse. En 2017, c’est une toute autre histoire : c’est 102 293 tonnes de produits de boulangerie qui sont importés. Monsieur Michellod, au travers de son témoignage, nous donne une première idée de la nature du problème : «Avec le principe du cassis de Dijon, le pain importé n’est pas taxé car il s’agit d’un produit transformé ». Pourtant, l’importation de matière première est fortement taxée : « Si j’achète des matières premières en Europe, je suis fortement imposé – près de 1 franc le kilo – pour protéger l’agriculture suisse, ce que d’ailleurs je ne remets pas en question » avoue Monsieur Michellod. Une farine française coûterait 30% moins chère, et on pourrait diviser le prix du beurre par quatre.

C’est ce traitement de faveur envers les produits transformés qui permet aux industries d’offrir des prix incroyablement bas, induisant ainsi de grandes sociétés (hôtelières ou des compagnies aériennes par exemple) à commander des quantités pharamineuses de produits… importés et transformés !

f) La tentation des produits industriels.

La pression est telle que certains artisans cèdent aux produits surgelés, précuits, et/ou industriels. Ainsi, le journal Le Temps estime que les boulangers représentent environ 20% de leur chiffre d’affaires global. Un contexte souvent médiatisé, qui a des conséquences directes: le savoir-faire artisanal des boulangers a beaucoup été remis en doute (FRC). Cependant, le corps de métier se protège là-contre et de nombreux s’unissent pour garantir la qualité de leurs produits (plus de détails ci-dessous).

L’irréductible boulanger-confiseur résiste encore et toujours à l’envahisseur :

Fiers de leur métier et de leur savoir-faire ancestral, les artisans boulangers sont passionnés et se battent pour se démarquer des pains industriels vendus en grandes surfaces et dans les stations essence. «Aujourd’hui, il faut offrir des spécialités et se battre pour l’authenticité du goût», estime Stéphane Mercuri dans l’article du journal Le Temps. Dans le même article, Adrien Charlet de la boulangerie Charlet à la Baborleuse (VD) ajoute : « Il faut laisser du temps au produit pour qu’il développe des arômes et mélanger ses farines comme le fait un peintre avec ses pigments. Le but est d’obtenir de l’unique. C’est ce qui nous différencie de l’industriel ».

Un autre moyen de gagner la confiance des clients est de miser sur des produits de qualité et régionaux. Un enquêteur de la FRC raconte : « c’est avec des étoiles dans les yeux que les artisans ont expliqué se fournir dans une laiterie bien particulière, car elle est connue pour la qualité de ses produits ou à cause de sa proximité géographique. Mieux, les vendeurs ont ensuite détaillé quelles autres marchandises de l’échoppe avaient été réalisées avec des ingrédients spécifiques, selon un savoir-faire ancestral. Les boulangers et leur personnel se sont sentis très fier de leur métier et leurs recettes. »

«Le boulanger doit se focaliser sur des produits à haute valeur ajoutée: bio, au levain ou aux multicéréales. Cela lui permet d’être plus créatif.» (Bilan)

Des gestes transmis de générations en générations, des secrets qui se chuchotent de père en fils, des recettes choyées et protégées… c’est ça la vraie boulangerie d’aujourd’hui ! Mais n’est-ce pas au final le même pain que celui de nos grands-parents ? Un pain qu’on retrouve avec tant de plaisir sur nos tables, un magasin dont l’odeur nous enivre, un sourire et un accueil que l’on veut connaitre sur des années – les boulangers-confiseurs luttent pour leur survie et nous, nous pouvons les soutenir !

Voici 5 gestes simples pour soutenir nos artisans boulangers :

  1. S’intéresser à l’origine des produits. Passionnés, les travailleurs des métiers de la bouche aiment partager leur savoir, leurs efforts et leur travail.
  2. Chercher les labels de qualité et certifications. Dans le canton de Vaud, «Véritable artisan» est un label qui « a été mis sur pied afin de mettre en exergue la qualité artisanale qui perpétue la tradition et le savoir-faire des artisans boulangers, pâtissiers et confiseurs. » (boulangerie-vd.ch) La boulangerie Baumann, située Sous-Gare à Lausanne, en fait partie.
  3. « Bonjour, Confrère ! »  Votre boulanger pourrait bien être un membre de la Confrérie des Chevaliers du bon Pain. Cette dernière « contribue au maintien d’une excellente qualité de la marchandise proposée par les artisans. »
  4. Mon boulanger d’abord ! Privilégier les petits artisans et réfléchissez à deux fois avant d’aller chercher en coup de vent une miche de pain… dans la station essence d’à côté. Il existe aujourd’hui des sociétés qui livrent à domicile des pains frais de chez des boulangers de confiance et de renom. C’est pratique, éthique, et frais !
  5. Soyez gourmands et aimez les bonnes choses ! Faites confiance à votre palet qui est tout aussi fin gourmet que vous ! Vous trouverez chez des artisans de qualité des produits qui vont séduiront définitivement et que vous apprécierez nettement plus que des produits transformés.

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